La vie sexuelle au temps universitaire

N.B. Le féminin est utilisé dans le but d’alléger le texte. Il n’a pas pour but de favoriser ou défavoriser un genre ou un autre.

On a peur de certains mots : sexe, pubis, vulve, masturbation, pénis, fuck friend, orgasme. Parce que c’est un sujet tellement tabou, Les Roger ont décidé d’en parler.

Mais le sexe tout seul, je veux dire, le sujet du sexe isolé, c’est pas si pertinent. Mis en perspective dans la réalité universitaire, par contre, c’est bien plus captivant. On a donc interviewé quatre étudiantes pour connaître leur réalité sexuelle et leur vision par rapport à celle-ci. C’est clairement pas un sondage représentatif, mais ça nous donne une image dédramatisée du sexe chez les étudiantes.

Sexuellement, qui es-tu?

Nicolas (nom fictif) me dit qu’il n’a jamais vraiment été en couple. « Bah, j’ai déjà été en amour, mais c’était pas réciproque avec l’autre personne, donc j’ai jamais été en couple ». Sexuellement, Nicolas se considère homosexuel. « Ça fait très longtemps que je le sais, mais ça fait un an et demi que je l’ai annoncé à mon entourage. […] Avant, je sentais juste pas le besoin de le dire […]. Faque c’est sûr que quand les gens savent pas que tu es homosexuel, c’est plus dur de rencontrer des gens, dans le sens que les gens tiennent pour acquis que t’es hétéro. Fac ça fait comme un an et demi que j’ai une vie sexuelle active, notamment à travers des applications de rencontre, comme Grinder ou Tinder». Et puis, être actif sexuellement, c’est pas nécessairement avoir des rapports sexuels toutes les semaines, mais du moins à intervalles réguliers. « Actif, pour une personne, ça peut être quatre fois par semaine, pour une autre, une fois par mois. T’sais, après avoir vécu 18 ans d’abstinence, même si tu fais l’amour une fois par an, bin t’es actif. »

Vincent (nom fictif), hétéro et célibataire, se considère peu actif sexuellement. « C’est pas parce que je veux pas, c’est que j’ai une certaine retenue à coucher à droite pi à gauche. Pour moi, il me faut plus que “juste du cul”. Je veux avoir une vraie connexion avec quelqu’un; partager quelque chose de plus intense que juste du sexe. […] Jamais je ne suis rentré dans un bar en me disant “ouais, à soére je fourre”. Ça me mettrait bin trop mal à l’aise ».

Pour Roxanne (nom fictif), il existe ce même besoin de connexion, ce qui ne l’empêche pas d’avoir « quelques amants ». « Je suis pas vraiment une personne qui fait des one night stand ; j’en ai déjà fait, et j’aime pas vraiment ça. » Elle connaît ses amants depuis longtemps, ce qui est très important pour elle, et a développé des relations intimes avec eux depuis quelques mois. Pour elle c’est tout à fait sexuel, pas romantique du tout, même si, après tout, « on n’est jamais sûre de rien ». Dans tous les cas, c’est respectueux, il y a de la tendresse. « Dans le mot fuck friend, ya le mot friend [ami] aussi. […] C’est paradoxal quand même d’avoir peu de considération pour les fuck friends, alors qu’on aime beaucoup nos amis. […] Pourquoi on a des relations sexuelles c’est aussi pour le côté tendre, les câlins. C’est plus que la jouissance et un orgasme. Si ce n’était que pour ça, la masturbation me suffit largement ». Roxanne reconnaît que c’est pas évident pour tout le monde d’être à l’aise avec cette intimité entre amants. Souvent, on mélange sexe et amour, mais réellement, on n’a pas besoin d’être amoureuse de la personne pour être tendre avec. Il y a une différence entre sexe et amour, mais on n’est pas obligé de trancher ça au couteau.

Justement, Sacha (nom fictif) vit des relations amoureuses et affectives avec deux personnes à la fois, mais séparément. Une depuis longtemps, une autre récente. Est-ce de l’amour? « Je les aime, peut-être pas pour avoir une vraie relation amoureuse comme on l’entend, mais j’ai de l’affection, j’ai envie de faire du bien à ces personnes-là. » Elle se considère très active sexuellement (elle acquiesce fortement même quand je lui pose la question). « Je suis une personne qui aime beaucoup la sexualité, mais ça dépend à quel moment dans la session universitaire… » En effet, en fin de session, pendant les examens, tu as moins de temps. Et faire l’amour quand tu es stressée ou pressée, c’est pas une bonne idée.

Quand je dis « sexe », tu penses à quoi?

Nicolas pense rapidement à une relation sexuelle, puis les organes génitaux. « Le sexe en tant qu’action, puis le sexe en tant que choses, un organe ». Vincent, lui, pense à une fille. « Vu que jsuis aux filles, je pense à une fille, mais c’est clair que si j’étais gai, je penserais à un gars, pi si j’étais bi [sexuel], je penserais aux deux. Pour moi, la sexualité, ça se fait à deux ou plus. » Pour Vincent, la masturbation, c’est pas exactement du sexe ; c’est plus du plaisir solitaire. Parallèlement, Roxanne pense au plaisir, à un besoin, à la limite, à une communion entre deux personnes. Des fois, même, une souffrance, du fait de ne pas avoir de sexe. Elle trouve d’ailleurs plus difficile le manque de sexe que le manque affectif. C’est comme si, dans notre société, il y a une pression sociale qui nous pousse à avoir beaucoup de sexe, souvent. « C’est devenu complexant pas avoir de sexe! »

Crédits à Dameproduct

À l’inverse, Sacha pense à toutes sortes de choses. La sexualité, c’est la manière qu’a chacun de prendre soin de soi. C’est charmer, cruiser, s’exprimer de plein de façon. Tu peux avoir une envie constante de baiser, mais pas baiser; la sexualité, c’est juste synonyme de bien être, être bien avec soi. T’es même pas obligée d’être nue : « évidemment, on a une conception très binaire de la sexualité. On peut lire de la littérature érotique, regarder du porno, se masturber. C’est pas un acte sexuel, mais ton plaisir sexuel est quand même mis de l’avant. Se sentir sexy, se sentir sexuelle, ça fait partie de ta sexualité aussi. » Bref, tu peux avoir une vie sexuelle sans partenaire, et tu peux ne jamais passer à aucun acte sexuel, tout en vivant des moments sexuels.

Et l’université, dans tout ça?

Une rare question qui fait consensus : le sexe, c’est clairement bénéfique aux études, mais, comme toute bonne chose, avec modération. La masturbation, le sexe, ça détend, ça aide à étudier. Roxanne, justement, remarque qu’elle se masturbe plus en période d’examens : « ça m’aide à gérer mon stress ». Nicolas me mentionne même une étude (?) selon laquelle le sexe stimulerait le cerveau et nous aide donc à étudier. « Le sexe, c’est ce qui te permet de pas te faire absorber par tes études. En fin de session, on devient comme un ermite, mais avoir une relation sexuelle, ça nous fait sortir de chez nous, ça nous fait décompresser. » N’empêche, trop se concentrer sur des relations, ou arriver à concilier un horaire, ça peut être peu pratique en situation d’examens. « Quand ça fait dix heures que t’étudies, le sexe devient un peu comme un exutoire, me dit Sacha. Par contre, quand t’es tellement stressée que t’as pas envie que personne te touche, t’as pas envie de donner, bin c’est clair que ce sera pas le meilleur sexe. » D’ailleurs, pour Vincent, le plus difficile n’est pas tant le combo sexe-études, que couple et études. « Mais, vu que, pour moi, avoir du sexe signifie que je suis en couple, bah gérer sexe et études c’est parfois complexe. »

Outre le sexe en tant que tel, me fait remarquer Nicolas, l’université, c’est pour s’éduquer, certes, mais tu finis quand même par faire des rencontres, notamment avec des gens qui partagent certains intérêts avec toi, du fait qu’ils sont dans ton programme. « Il y a une partie sociale dans le sexe, quand même ». Même s’ils ne courent par après, Vincent comme Sacha reconnaissent que, avec tous les événements sociaux et culturels disponibles à l’université, c’est clair que l’université rime avec davantage d’opportunités sexuelles. Roxanne, qui entrera à l’université en septembre, espère quand même que non. « C’est sûr que ce sera plus de rencontres, mais on n’est pas toujours obligées de courir après le sexe! »

Contrer les violences à caractère sexuel

Je ne pouvais évidemment pas faire cette entrevue sans interroger mes candidates à propos des politiques mises en place dans les universités pour contrer les inconduites et les violences à caractère sexuel. « L’université fait du mieux qu’elle le peut, me dit Sacha. Le problème, collectivement, c’est qu’on ne prévient pas bien, on met l’accent que sur la guérison. À l’école, on n’apprend pas c’est quoi le consentement, comment gérer le désir et la drague ». Pour Vincent, même son de cloche : « On met beaucoup d’affiches à l’université, mais c’est comme un peu tard. On fera jamais trop de prévention, mais il faut commencer l’éducation plus tôt ». Nicolas va plus loin : « On n’en a jamais parlé en cours [des inconduites et des violences à caractère sexuel]. On devrait. Peu importe le prof, ça devrait être un devoir de prof d’en parler. […] Résultat, moi, je suis pas vraiment au courant de ce qui se passe. » Enfin, pour Roxanne, « l’université fait pas de magie. Elle peut épauler, donner des ressources et des informations, mais c’est un devoir de chacun de s’informer, se remettre en question par rapport à notre comportement intériorisé par rapport au sexe ».

La nouvelle politique entrée en vigueur le 1er août 2019 encourage les victimes à parler et à dénoncer les actes tout en conservant leur anonymat, afin de mieux intervenir. Une formation portant sur la violence à caractère sexuel est obligatoire tant pour les étudiants, les employés, le corps professoral et les différents gestionnaires est dorénavant accessible dans votre plateforme Studium. Faites-la. Pour vous, pour elles, pour eux, pour nous tous.

Le mot de la fin

Alors, vie sexuelle et université, qu’en penser? Et bien, il n’y a définitivement pas de bon mot pour la fin, sinon que le sexe, c’est normal, et, à entendre mes candidates, c’est vraiment chouette! Pour que ça le demeure, il y a une petite introspection à faire, en tant qu’individu et en tant que collectivité, mais ça, Les Roger ne peuvent pas le faire seules. Partage et aime, ce sera au moins ça!

Note pour l’étudiant.e aguerri.e : voici en bonus instructif une image éclairante pour démystifier tout le charabia sexuel.

On peut se définir de plusieurs façons quand on parle de sexe, de genre et d’attirance.

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