Parent-étudiant

Quand j’ai commencé mon bacc’, j’ai remarqué assez vite que la majorité des étudiant.e.s dans mon programme étaient assez jeunes. Entre 19 et 25 ans, mettons. Puis, dans un certain cours sur l’adolescent et l’expérience scolaire, l’enseignante nous a fait parler de nous, de nos vies. « J’ai 19 ans, je sors du cégep et j’habite chez mes parents. » « J’ai 23 ans, je suis en appart’ avec mon chum et j’ai terminé un baccalauréat l’année passée. » « J’ai 47 ans, six enfants et j’effectue un retour aux études. » Quand j’ai entendu ça, j’me suis dit : « Quoi? C’est pas possible? 6 enfants? Voyons donc! » Pourtant, c’était bien vrai. La dame qui avait 6 enfants, dont deux bébés, avait immigré au Canada et était maintenant de retour aux études. En entendant ça, j’ai été vraiment surprise. Ça m’a ouvert les yeux sur une réalité à laquelle je n’avais pas trop porté attention, moi, jeune étudiante toute emballée par la rentrée, les nouvelles rencontres et les 5 à 7. Être parent et étudiant.e en même temps, il y en a qui le font, et je pense qu’on ne réalise pas à quel point c’est tout un exploit.

Je suis à l’université à temps plein, je travaille à temps partiel et j’essaie de garder un semblant de vie sociale. Je stresse ma vie aux fins de sessions, comme tout le monde, et il m’arrive de passer des nuits blanches parce que je manque de temps. Moi, une étudiante de 20 ans ayant comme seules responsabilités le paiement de mon loyer et le fait de me nourrir du mieux que je le peux (des ramens, ça fait la job en fin de session), je manque de temps. Ouch. Je n’arrive même pas à m’imaginer comment les parents-étudiants font pour y arriver. Je suis convaincue qu’ils et elles paieraient cher pour avoir trois (ou quatre) jours de plus dans une semaine.

Tout ça commence par un changement de carrière. Tu te réveilles un matin, après avoir travaillé dans le même domaine pendant des années, après avoir obtenu une permanence, après avoir fait je-ne-sais-trop combien d’heures pour accumuler trois semaines de vacances, et tu te dis « j’pense que j’suis pas à la bonne place. » Ça ne paraît peut-être pas, mais ça ne doit pas être facile pour la santé mentale. C’est même une source de dépression pour certain.e.s. Penser que tu dois tout recommencer à zéro quand t’as deux enfants à la maison, ça fait peur. Tu ne peux pas faire ça sur un coup de tête. Pis en plus, ce n’est pas gratuit, l’université. Loin de là. Comme Mélanie, une maman étudiante, m’a dit: « rester dans un logement mal chauffé et manger du Kraft Dinner pour souper pour être capable de payer tes études, tu t’en fous. Mais tes enfants, faut qu’ils mangent bien et qu’ils soient au chaud. »

Une fois que tu y as pensé 2, 3, 4 fois et que t’as fait pas mal d’insomnie parce que tu pensais à la façon d’annoncer à ton chum ou à ta blonde qu’il ou elle allait devoir être parent à la maison, t’as fait le grand saut. Si t’as pas de chum ou de blonde, t’as annoncé à tes parents qu’ils allaient voir leur petit-fils adoré ou leur petite fille adorée très souvent pendant les trois prochaines années. T’es probablement allé.e chez Desjardins pour avoir un prêt, parce que quand tu payes le loyer d’un condo ou l’hypothèque d’une maison, l’école des enfants, l’épicerie, les vêtements, l’auto, l’électricité, et plein d’autres affaires, que tu travailles à temps partiel si t’es capable, ou que tu ne travailles pas du tout, tu n’as sûrement pas un p’tit 2 000$ qui traîne chaque 4 mois pour payer ta session sans bénéficier d’aide financière. J’dis ça comme ça.

Si je me fie à ce que Mélanie, Isabelle et Noé, des mamans étudiantes, m’ont dit, la première session à l’université est parsemée de toutes sortes d’émotions. Des positives et des négatives. Probablement les mêmes émotions que les nouveaux étudiants et les nouvelles étudiantes de 20 ans, comme moi, ressentent – mais multipliées par 100, mettons. Au départ, t’es tout énervé.e. Et stressé.e. Pis c’est normal. Après avoir été plusieurs années dans la p’tite routine métro-boulot-dodo, tu rassembles toute ta motivation et t’es plus que prêt.e à affronter ce défi (du moins, c’est ce que tu penses). T’es énervé.e parce que t’entres enfin dans le chemin qui va te mener au métier que tu veux réellement faire, et t’as vraiment hâte d’apprendre plein de nouvelles choses. T’es aussi stressé.e parce que tu sais plus trop comment prendre des notes, et maudit que le ou la prof parle vite.

La première semaine, c’est pas si pire. Y’a pas trop de devoirs, et tu peux encore respirer. Mais plus ça avance, pire c’est. Tu commences sérieusement à crouler sous les devoirs et à manquer de temps. Comme tout le monde, dans le fond. Sauf que toi, t’as quelques responsabilités de plus. Se lever avant les enfants, leur faire à déjeuner, les préparer pour l’école, faire leur lunch, aller les porter. Aller à l’université, assister à deux cours de trois heures, revenir à la maison. Faire à souper, manger en famille, laver les p’tits, leur lire une histoire, et les coucher. Avoir de l’aide de ton chum ou de ta blonde si t’en as un.e. Faire ça tout.e seul.e si t’es monoparental.e. Si t’as un.e adolescent.e qui peut s’occuper de sa propre personne, ça t’enlève un poids, mais tu sens que tu ne lui accordes pas assez d’attention, parce que tu n’as pas le temps, ce soir. Après tout ça, il est déjà 21h. Si t’es en enseignement, t’as six cours, voire sept. Je te laisse calculer le nombre d’heures de devoirs que ça fait, tout ça. Rendu.e là, tu choisis tes batailles. Tu ne feras pas le TP qui vaut juste 5%, ni les 150 pages de lecture que tu as accumulées depuis trois semaines. Tu vas te concentrer sur ce qui compte le plus, et tu vas délaisser ce qui compte le moins. Après tout, il faut que tu dormes, si tu veux recommencer demain matin!

Après une première session un peu chaotique, c’est le moment de trouver une solution pour rester sain.e d’esprit. T’es maintenant rendu.e maître dans l’art de choisir tes batailles et dans l’art du je-fais-tout-à-la-dernière-minute, et probablement aussi maître dans l’art de la planification et de la routine. « Je suis certaine que je pourrais gérer une PME », m’a même dit Mélanie. Après tout, je suis certaine qu’il y a autant d’aspects à gérer dans une vie familiale et scolaire qu’il y en a à gérer dans une entreprise! L’avantage, c’est que t’apprends à gérer ton stress comme tu ne l’as jamais fait avant et que t’apprends à connaître tes limites. Tu sais maintenant que ça ne sert à rien de faire des nuits blanches pour étudier, et que t’es mieux d’étudier la tête bien reposée, pis que tu dois écouter ton corps. C’est pas mieux de tomber malade non plus. Tu sais aussi que ta famille passe avant tout, mais que c’est correct de t’enfermer dans ta chambre pour étudier quand t’as un examen. Tu prends tranquillement conscience que tes enfants sont très fiers de toi s’ils et elles comprennent ce qui se passe dans ta vie, ou qu’ils et elles le seront lorsque tu leur raconteras ton histoire dans quelques années. Tu sais que tu n’es pas parfait.e, mais tu fais de ton mieux. Après tout, est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un de parfait?

Si tu sens que tu en as par dessus la tête, y’a des ressources à l’UdeM pour t’aider. C’est valorisé, être parent-étudiant, et on veut que ton parcours se passe bien. Surtout, lâche pas ton bon travail, parce que tes efforts vont être récompensés.

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