Le poids des mots: adopter une écriture inclusive

As-tu déjà entendu parler de l’écriture inclusive? Dans la négative, voici l’opportunité de t’y initier. Si tu connais sans toutefois trop savoir comment l’inclure dans tes habitudes rédactionnelles, voici un petit guide pour toi!

*** Cet article n’est qu’un succinct survol de l’écriture inclusive et de ses différentes méthodes. Si tu souhaites adopter une des stratégies proposées, je te recommande de t’informer davantage sur les règles la régissant afin d’en faire une juste utilisation.

L’écriture inclusive, c’est quoi?

L’écriture inclusive est une pratique de rédaction visant à éliminer toute forme de discrimination en tentant d’inclure toute personne. Ainsi, on cherche à adopter une écriture respectueuse des personnes marginalisées. De prime à bord, tu penseras sans doute aux femmes. En effet, on cherche à éliminer la masculinisation de la langue française. Cette supériorité du genre masculin date de bien longtemps. En 1647, Claude Favre de Vaugelas, grammairien savoisien étant l’un des premiers membres de l’Académie française, affirmait que le genre masculin était celui digne de respect et devait ainsi prédominer sur le féminin dans toute circonstance.

Cela dit, l’écriture inclusive cherche également à inclure la diversité sexuelle et de genre, les personnes vivant avec un handicap, la diversité ethnoculturelle et bien plus encore. Tu comprendras alors que l’adoption de ce type d’écriture se veut être un acte militant en faveur de changements sociopolitiques.

Pourquoi utiliser l’écriture inclusive?

Magali Guilbault Fitzbay, consultante linguistique et vice-présidente de l’organisme québécois Les 3 sex*, signait en guise d’introduction du livre Apprendre à nous écrire : guide & politique d’écriture inclusive :

« Nous sommes tout.te.s concerné.e.s par ce qui maintient les iniquités et les oppressions en place, même si on les perpétue. C’est ce que propose l’écriture inclusive : se reconnaître et se rassembler dans un questionnement social sans taire aucune voix »[1].

Ces mots permettent selon moi de saisir facilement et justement l’objectif central de l’écriture inclusive. Fondée sur une approche féministe intersectionnelle[2], elle vise plus spécifiquement à démasculiniser la langue française. Comment? En refusant l’utilisation générique du masculin afin de prétendument alléger la lecture.

Cette stratégie rédactionnelle tente notamment d’accorder une juste visibilité aux femmes et aux personnes de la diversité de genre[3]. Pour ce faire, elle utilise des termes auxquels celles-ci s’identifient. Plus généralement, elle cherche à omettre toute forme de discrimination perpétuée par le langage.

Ouvrage co-signé par Les 3 sex* et Club Sexu visant à « expliciter la pratique de l’écriture inclusive, ses différentes mises en application ainsi que ses enjeux sociaux, linguistiques et politiques »

Tu connais maintenant les raisons motivant l’adoption d’une écriture inclusive! Il est temps de voir comment arriver concrètement à adopter cette pratique de rédaction. Elle se concrétise par trois méthodes distinctes qui seront succinctement élaborées. Le choix de la stratégie utilisée repose essentiellement sur la connaissance de l’identité de genre du sujet, de l’aisance de la personne rédigeant et de l’auditoire visé.

Méthode 1 : L’écriture épicène

Cette forme de rédaction évacue toute forme de nom genré désignant une personne afin d’inclure tout le monde. L’adoption de noms neutres permet de ne cibler spécifiquement aucune réalité, contrairement à la féminisation. Cette dernière repose plutôt sur une conception binaire du genre (féminin/masculin).

Cela dit, l’écriture épicène exige un certain niveau d’aisance en français. En effet, il s’avère parfois difficile de trouver un mot permettant de substituer un terme genré. Ainsi, la reformulation peut devenir un défi.

Exemple :

  • Écriture traditionnelle : Les étudiants sont incités à adopter une écriture inclusive.
  • Écriture épicène : La communauté étudiante est incitée à adopter une écriture inclusive.

Méthode 2 : La féminisation

Il s’agit sans doute de la forme d’écriture inclusive que tu as rencontrée le plus souvent. En effet, elle est accessible et simple, en permettant ainsi une utilisation plus commune.

La féminisation repose sur une volonté d’équilibre lexical par l’utilisation des doublets tronqués (les étudiant[e]s) et lexicaux (les étudiants et les étudiantes). On cherche alors spécifiquement à outrepasser l’utilisation du masculin comme genre par défaut. L’utilisation de cette stratégie vise alors à accorder une visibilité équitable aux femmes et aux hommes.

Elle comporte toutefois un inconvénient majeur. Comme mentionné précédemment, la féminisation n’assure pas une inclusion de la diversité de genre. En effet, elle se limite aux genres grammaticaux, soit le féminin et le masculin et, donc, une binarité du genre. Les professeur[e]s en linguistique ont toutefois reconnu que les doublets tronqués permettent de défier cette lacune.

Exemple :

  • Écriture traditionnelle : Les étudiants sont incités à adopter une écriture inclusive.
  • Écriture épicène : Les étudiant[e]s sont incité[e]s à adopter une écriture inclusive.

Il existe différents symboles permettant de tronquer un mot. Il peut s’agir notamment d’un point régulier (.), d’un point médian (·), d’un trait d’union (-), de parenthèses (()), d’une barre oblique (/) ou de crochets ([]).

Tu as sans doute déjà constaté que l’équipe d’ambassadeur[rice]s a opté pour une écriture féminisée par des crochets pour la rédaction de ses articles du blogue.

Méthode 3 : L’écriture non binaire

L’écriture non binaire vise à ne pas assigner un genre au terme désignant une personne afin d’éviter l’assignation d’un genre ou le mégenrage[4]. Cette forme rédactionnelle est la moins utilisée du fait qu’elle se concrétise par l’utilisation de néologisme, c’est-à-dire de nouvelle forme.

Son principal atout est alors la représentation des personnes de la diversité de genre. Un texte incluant cette stratégie peut donc s’avérer difficile au niveau de la rédaction et de la compréhension pour une personne n’étant pas initiée à cette pratique ou ayant des difficultés de lecture. Également, il ne s’agit pas d’une stratégie complète à elle seule. En effet, l’écriture non binaire doit être complétée grâce au recours à une écriture épicène et/ou féminisée.

Il est possible de trouver des listes de néologismes reconnus sur Internet.

Voici quelques exemples de pronoms et de déterminants

Exemple :

  • Écriture traditionnelle : Les étudiants sont incités à adopter une écriture inclusive.
  • Écriture épicène : Leas étudiants* sont incité[e]s à adopter une écriture inclusive.

L’Université de Montréal et l’écriture inclusive

Maintenant que tu en connais davantage sur l’écriture inclusive, tu te demandes peut-être s’il est possible d’utiliser cette stratégie de rédaction dans tes travaux et examens!

Sache que l’Université de Montréal s’est dotée d’un guide sur l’écriture inclusive en février 2020. Une formation en ligne est d’ailleurs disponible pour l’ensemble de la communauté étudiante.

Pour répondre à ta question, tu peux donc utiliser une écriture inclusive sans être pénalisé[e] dans tes rédactions. Cela dit, je te conseille toujours de vérifier auprès de ton[ta] professeur[e] à savoir s’il[elle] a des exigences quant aux types d’écriture inclusive. Il serait dommage de perdre des points pour revendiquer une visibilité équitable! Tu peux également voir auprès de ton association étudiante. Elle sera en mesure de te préciser si ton programme d’étude a spécialement adopté un guide d’écriture inclusive et donc validé auprès du corps professoral.

Sur ce, je te souhaite une bonne rédaction respectueuse de toute personne!

Références

[1] Magali Guilbault Fitzbay, Apprendre à nous écrire : guide & politique d’écriture inclusive, Québec, Les 3 sex*& Club Sexu, 2021, p. 5.

[2] Le féminisme intersectionnel est un courant théorique s’appuyant initialement sur l’intersection entre le féminisme et le racisme. Progressivement, des formes d’oppression supplémentaires y ont été intégrées afin de dresser un portrait plus réaliste des privilèges dont certain[e]s jouissent.

[3] La diversité de genre désigne généralement l’ensemble des personnes ne s’identifiant ni à un homme cisgenre, ni à une femme cisgenre. Une personne cisgenre est celle dont le sexe/genre attribué à la naissance correspond à celui auquel elle s’identifie. Une personne née du sexe féminin et s’identifiant ainsi est donc une femme cisgenre.

[4] Le mégenrage consiste à utiliser un pronom qui ne reflète pas l’identité de genre d’une personne ou à se tromper quant au genre d’une personne. Reposant sur le constat qu’on ne peut deviner l’identité de genre d’une personne, le mégenrage peut être accidentel ou volontaire.

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