Notre carnaval : portrait d’un pianiste UdeMien

Victor Nigri est pianiste et doctorant en musique (option interprétation) à notre université. On s’est retrouvé plus tôt pour parler de son récital qui avait eu lieu le lundi 3 mai et de son parcours musical.

J’ai connu Victor l’été dernier : lorsque je cherchais une nouvelle colocation, j’ai visité son appartement sur Édouard-Montpetit. Finalement, j’ai décidé d’explorer un autre quartier de Montréal, mais on est toujours restés en contact. Avec le temps, Victor est devenu partie intégrante de ma famille montréalaise, probablement pour la passion en commun pour les arts et pour nos parcours précédents, très différents, mais également diversifiés.

Victor est originaire de Belo Horizonte, au Brésil. Suite à quatre ans de baccalauréat dans son pays natif, il a perfectionné ses techniques d’interprétation musicale classique avec une maîtrise de l’Université de Hartford aux États-Unis, avant d’entreprendre ses études au doctorat à l’UdeM sous la direction du professeur Paul Stewart.

Pianiste-Carnaval
Photo : Fu Yang, avril 2021

Le récital et le Carnaval, op. 9

Fu : Ton récital a eu lieu le lundi 3 mai. Nos lecteurs[trices] auront la possibilité de revivre, sur YouTube, deux morceaux du Carnaval, op. 9 de Robert Schumann que tu as interprété. Pourrais-tu nous parler un peu de cette œuvre?

Victor : Le Carnaval de Schumann est une œuvre unique ! Elle est juvénile, gracieuse, mais aussi surprenante. Ce grand opus est une constellation composée de 21 miniatures et chacune d’elles a un caractère complètement différent — j’avoue que j’étais perdu la première fois que je les ai écoutées!

Les deux morceaux que vous pouvez écouter sur YouTube sont le 5e, Eusebius, et le 6e, Florestan. Je trouve qu’ils représentent bien le thème du carnaval et tous ses contrastes. Eusebius et Florestan, deux personnages inventés par Schumann, sont les opposés qui se complètent, les deux antithèses d’une même réalité : le premier rêveur, doux et poétique ; le second fougueux, extroverti et plein d’énergie.

Là où tout commence

Fu : Tu as poursuivi ta passion du piano au cours du temps et tu es arrivé jusqu’au doctorat, c’est impressionnant! Quelle est l’origine de cet amour pour le piano?

Victor : C’était par jalousie! Mon frère a commencé à jouer la guitare à l’époque, alors je voulais jouer un instrument aussi. À 12 ou 13 ans, j’ai choisi le violon et j’ai continué pendant deux ans. Mais en réalité, ce que j’aimais le plus, c’était l’accompagnement au piano que mon professeur jouait pendant que je grinçais mon violon! Petit à petit, je suis tombé en amour avec cet instrument avec tant de touches. Quand j’avais 15 ans, mes parents m’ont acheté un piano numérique. De ce premier piano jusqu’au magnifique Steinway sur lequel j’ai récemment joué pendant mon récital : quel trajet inimaginable!

Maurice Ravel et « l’horlogerie suisse »

Fu : Parmi les œuvres que tu as interprétées jusqu’à date, y en a-t-il une qui est particulièrement significative pour toi ?

Victor : Ça serait Gaspard de la nuit de Maurice Ravel. Il s’agit d’une œuvre mystique, méticuleuse et nuancée, inspirée par des poèmes d’Aloysius Bertrand. J’avais toujours voulu l’étudier, mais je la trouvais très difficile quand j’étais plus jeune et je la considérais comme un Everest à gravir. Je ne me suis senti prêt qu’après des années d’étude et d’expérience. Ravel passait généralement beaucoup de temps à composer sa musique, car il essayait toujours d’atteindre la perfection. C’est la raison pour laquelle Ravel est réputé comme étant « l’horlogerie suisse ». À ce propos, un fun fact : son père, originaire de Versoix en Suisse, était un ingénieur très inventif et avait une collection d’oiseaux mécaniques et de boîtes à musique !

Ondine, Gaspard de la nuit de Maurice Ravel, interprétée par Victor Nigri

Le pays du carnaval

Fu : Tu es d’origine brésilienne. Comment est-ce que tu t’identifies avec ton pays natif ?

Victor : Je ne suis probablement pas l’archétype du Brésilien : je ne joue pas au foot et je suis un peu indifférent au carnaval, la grande fête nationale. Ce qui pourrait affirmer mon identité brésilienne, c’est que je suis très connecté à la musique traditionnelle de mon pays : j’adore le Choro, la Modinha et le Frevo. Une chose que je trouve importante est de faire connaître les compositeurs brésiliens aux personnes d’autres pays, parce que j’y ai davantage accès. Une autre œuvre sur le thème du carnaval que j’ai jouée lors de mon récital est le Carnaval das Crianças (Carnaval des enfants) d’Heitor Villa-Lobos, le compositeur brésilien le plus renommé. Il s’agit d’une œuvre énergétique, avec un rythme dansant combiné à des harmonies impressionnistes. Un heureux mélange !

Leçon de vie à Hartford

Fu : Tu as vécu pendant quatre ans aux États-Unis suite à ton baccalauréat en musique. Quels ont été les aspects les plus enrichissants de ton expérience à Hartford ?

Victor : J’ai certainement eu accès à de meilleures infrastructures qu’au Brésil : salles de concert, locaux de pratique et pianos. L’expérience à l’étranger a aussi été très enrichissante tant sur le plan musical que personnel : j’ai connu des musiciens d’horizons culturels tellement variés !

Le carnaval du futur

Fu : Comment est-ce que tu t’imagines dans cinq ans ?

Victor : J’aimerais bien travailler en tant que professeur universitaire dans le futur. J’ai également une grande passion pour la littérature. En tant que musicien, j’essaie d’écrire mes poèmes et ma prose avec une attention particulière à la sonorité et au rythme des mots. En fait, je travaille sur un projet en ce moment : je photographie mes poèmes dans des espaces montréalais que je trouve fascinants. Qui sait ? Peut-être qu’un jour je deviendrai un artiste polyvalent comme notre bon Robert Schumann qui était lui-aussi épris de littérature !

Pianiste-Carnaval
Photo : Fu Yang, avril 2021

Toutes sortes de carnavals

Le carnaval peut prendre mille formes. C’est le Carnaval, op. 9 de Robert Schumann, une œuvre-mosaïque dont chaque morceau est distinct et imprévisible. C’est le Carnaval das Crianças d’Heitor Villa-Lobos, un amalgame de différentes traditions, des rythmes du Brésil aux harmonies impressionnistes. Mais, c’est aussi le carnaval personnel de Victor, une célébration de l’accomplissement d’une étape significative de son parcours de vie. C’est un moment de joie, dédié à la musique, à l’art, à la passion et à la persévérance.

Chacun de nous mérite bien un carnaval personnel, pour nous apprécier, pour nous remercier et pour jouir des rayons de soleil d’un nouveau jour. Parce que… pourquoi pas ?

Pour revivre une partie du récital de Victor Nigri, c’est par ici!

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