Daphné

Je n’ai jamais été le genre de fille à fitter dans une case. Même si j’avais voulu, mes parents avaient décidé avant même que je sois née que je serais un beau mix de bien des affaires (tu l’auras compris, je suis métisse). Puis, quand j’étais petite, je rêvais de devenir surfeuse professionnelle/écrivaine prolifique.

 

Au début du secondaire j’avais un style qui criait « j’adore Billy Talent » mais quand tu regardais dans mon iPod, j’écoutais Boulbi de Booba (« Bordel, quand on rentre sur la piiiiste »). Je me tenais autant avec les bolés qu’avec les p’tits wannabe voyous. Je me suis toujours vu nulle part et partout à la fois. C’était d’ailleurs très bien comme ça, j’ownais mes différences et mes contradictions.

 

Rendue au cégep, tout s’est gâté. Je rentrais en Création littéraire et j’ai vite compris que dans la vie, il faut que tu choisisses un camp (ou plutôt, c’est ce que je croyais à l’époque). Dans ce contexte-là, c’était rentré dans le camp des intellos marginaux : mission impossible. Même si je pouvais autant te réciter du Proust et boire mon café dans un pot Masson, bah, moi… j’aimais mieux le boire chez nous avant de venir en classe. La « marginalité » était devenue la norme, mais ça en était une qui fallait respecter à tout prix. Lire Nelly Arcan et Simone de Beauvoir, se proclamer féministe, mais écouter du gros rap juste après, ça ne passait simplement pas, ce n’était pas cohérent. Il fallait que je m’attèle à fitter, de mes bottines jusqu’à mes goûts musicaux. Pour une fille comme moi, ce n’était pas si simple et ce n’était clairement pas quelque chose de naturel.

 

Un moment donné, j’ai simplement compris que la norme c’est du gros n’importe quoi. Autant dans un endroit X ça peut être de conduire une Civic et porter un chandail léopard, autant dans un autre, ça peut être d’être végétarien et de porter des Dr. Martens. Tout est extrêmement relatif. Ce n’est pas parce qu’on aime et s’intéresse à plusieurs choses différentes, qui de prime abord semblent contradictoires dans les yeux des autres, qu’on est nécessairement incohérent.

 

La pluralité et l’éclectisme ont toujours été mes mantras de vie, je ne peux simplement pas faire sans. C’est ce qui me permet de m’ouvrir sans cesse au monde, de découvrir de nouveaux intérêts, de m’interroger et d’aimer. Si je perdais autant d’énergie qu’avant à vouloir rentrer dans une case à tout prix, il ne m’en resterait plus autant pour le reste. C’est une leçon de vie qui m’a aussi appris à accepter les autres dans leurs propres « incohérences », parce qu’en tant qu’être humain bien banal que nous sommes, on aime un peu trop quand tout est logique, catégorisé, harmonieux. La vérité c’est que presque rien ne l’est.

Sur ce, je vais continuer d’écouter du trap, en lisant Romain Gary, après avoir fait du yoga et avant d’aller boire un mojito, un lundi d’hiver à -15 degrés. Cheers!

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