Un été au cœur du sexisme

Avoir un emploi étudiant, c’est pas toujours la joie et encore moins ton job de rêve, mais dis-toi que même Brad Pitt a eu une première job (en passant, il était mascotte dans un fast-food).  

J’ai personnellement expérimenté une dizaine d’emplois étudiants (pour vrai, je les ai comptés) en passant de spécialiste de l’escalade dans un camp de jour à caissière, sans oublier vendeuse et barmaid, ainsi que coach de cheerleading. Disons que j’ai des expériences de travail assez éparses; si je connais le code des pommes Granny Smith (4139!), je sais aussi comment faire un double nœud en huit.

Certaines de ces expériences n’ont duré qu’une journée, d’autres s’étendent (heureusement) sur quelques années.

Comme beaucoup de Québécois, j’ai commencé à travailler à 16 ans pour payer mes cours de conduite. Quatre ans plus tard et toujours sans permis de conduire, je travaille aujourd’hui pour de bien différentes raisons : payer mon loyer, ma passe de bus, ma nourriture. Bienvenue dans le monde adulte!

Même si être végétarienne, c’est un mode de vie moins dispendieux, bah le tofu, c’est pas gratuit non plus.

Étant une universitaire et ayant presque toujours côtoyé des gens possédant une assez grande ouverture d’esprit, je tenais pour compte que le Québec était une société avancée à l’égard du féminisme et de l’égalité des sexes (semble-t-il selon une certaine ministre que ce n’est pas la même chose). J’avais malheureusement tort, c’est pas le cas partout!

Cherche emploi, n’importe quoi!

Comme pour bien des étudiants, l’été représente pour moi la période la moins relaxe de l’année où, tels des ours se préparant pour l’hibernation, on amasse notre magot pour pouvoir survivre au reste de l’année, mais surtout aux fins de sessions alors qu’il est impossible de travailler plus de 4 heures/semaine!

Ainsi donc, bourses d’études en arrêt pendant la période estivale et trop fière pour demander de l’aide à papa et maman pour payer l’Hydro, il fallait me trouver un deuxième emploi pour l’été. En effet, je travaillais déjà à temps partiel comme caissière dans une boutique de plein air au centre-ville. Sauf qu’avec bourses en moins et mes 15 heures de travail par semaine au salaire minimum, une fois la nourriture, la passe d’autobus et le loyer payés, le cinéma les mardis devenait un luxe.

Après trois semaines de recherches intenses et – 3,25 $ dans mon compte courant, je n’ai pas hésité quand on m’a enfin offert un poste de caissière à trente heures par semaine et au salaire minimum dans une petite quincaillerie de mon quartier.

Entre la boutique de sport et la quincaillerie, c’était le jour et la nuit.

Dans la première, j’ai le plaisir de travailler avec des gens allumés, à l’IMC irréprochable, pour la plupart végétariens et où les discussions ne concernent jamais la pluie et le beau temps, si ce n’est pour parler des changements climatiques et de la période de pollinisation plus longue en raison de ceux-ci. Une vraie carte postale des décideurs de demain. Kinésiologie, histoire et géographie, criminologie, communication, urbanisme sont nos champs d’études. Et les clients! Ah! ces merveilleux clients venant acheter une serviette à séchage ultrarapide pour un voyage pack-sac en Thaïlande ou alors pour acheter leur toute première paire de chaussons d’escalade après avoir eu un coup de foudre pour ce merveilleux sport. Inutile de vous dire que j’adore ce job!

Dans l’autre emploi, à la quincaillerie, c’était comme si je me retrouvais 20 ans en arrière en termes de droits des femmes. Les filles, on était à la déco ou à la caisse et les gars dans les outils, la plomberie ou l’électricité. Une fille là-dedans, c’était comme une grosse blague. Attention, elle pourrait se casser un ongle! Et puis, si tu avais le malheur d’être dans ta semaine et d’avoir les pires crampes de l’univers, c’était pas un motif valable pour prendre congé! Je me souviens d’une fille qui était partie en larmes parce que notre boss ne la croyait pas.

La situation qui m’avait le plus marquée s’était produite un après-midi alors que je venais en aide du côté déco. Pour tous les achats, on offrait un service de livraison au coût de 50 $ si on avait besoin d’un seul gars pour la livraison ou de 100 $ si on en avait besoin de 2. Tout ça dépendait de l’item acheté, de l’étage de l’appartement et de si le client aidait pour transporter l’item (du style aider pour monter dans les escaliers un gros climatiseur à deux personnes).

Voilà qu’une charmante madame vient pour acheter une table d’extérieur. Je la conseille et elle finit par jeter son dévolu sur une table en bois qui va juste « trop fitter » avec les chaises qu’elle avait d’un ancien set. J’avais adoré l’accompagner durant son magasinage, non seulement elle était écolo, mais c’était une dame vraiment cool. C’était le genre de cliente qui nous fait aimer notre travail. Elle me confirme l’achat et je lui explique donc le principe du système de livraison. Elle me dit qu’elle va aider au transport et on conclut pour une livraison à 50 $. J’appelle mon gérant qui est aussi responsable des livraisons et je mets de côté sa table ainsi que d’autres items qu’elle voulait.

Le vieux bonhomme arrive, un genre de vieux Don Juan ultra-bronzé, le même gars qui ne croyait pas ma collègue. Il regarde la dame et les achats et conclut à voix haute qu’elle prendra une livraison à 100 $. Elle lui explique qu’elle va aider, que ce n’est pas si lourd. Mais mon patron ne veut rien savoir. Il lui explique qu’elle est une femme et qu’elle ne peut pas faire ça, elle, transporter des choses lourdes!

La dame et moi, on avait des gros yeux, pas tout à fait sûres d’avoir bien entendu. Il lui parle des risques qu’elle se fasse mal. À cela, elle réplique :

–  Et si un de vos gars se fait mal?
– Alors ça, c’est son problème!

Je me souviens, elle avait dit mot pour mot : « vous me traitez différemment en raison de mon sexe »! J’avais envie d’applaudir la dame! Inutile de vous dire que le suis une fervente féministe queer qui n’a pas sa langue dans sa poche. Mais étant en situation d’employée devant mon patron, je n’avais aucune idée comment réagir. J’étais simplement sidérée devant l’archaïsme de ses propos. Les deux avaient débattu pendant un long moment et moi j’étais là, devant eux… malaise.

Le pire dans tout ça, c’est que Don Juan devait se croire comme un héros qui sauvait les pauvres petites femmes sans défense, alors que c’était une dame fin trentaine qui avait tous ses moyens. Encore presqu’un an plus tard, je me souviens de ce moment comme si c’était hier.

Moins d’un mois et demi après mon embauche, on me mettait à la porte. Le motif; je n’avais pas l’attitude nécessaire pour travailler dans une quincaillerie. Littéralement, c’est ce qu’on m’a dit. Très franchement, je n’avais aucune idée de ce que cela voulait dire, pas assez souriante? Pas assez misogyne? Malgré tout, pour moi, c’était un compliment. Non, effectivement, je n’étais pas comme eux.

Un été au cœur du sexisme | Les Roger - Le blogue des étudiants de l'UdeM

Mais ne t’inquiète pas, ça c’est ma pire expérience. Un job d’été, ça veut pas nécessairement dire une histoire d’horreur comme la mienne!

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